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Idéales - Enzo Broucaret

Quelques poèmes écrits par un élève de terminale du lycée.


Amour Camarade

I.

Ta vision m’expose à des langueurs exotiques, L’odeur de ta peau cuivrée et mystique une multitude d’épices cacaotées, giroflées, cannelées Le galbe de tes cuisses les rondeurs ensoleillées sur les flots roulants, indolents et nonchalants Ton maintien du tonique des agrumes l’allant.

Tes baisers le rhum cubain si bons si forts si passionnés me remplissent d’une vigueur instantanée ; Qu’importe les terribles lendemains et l’horreur de ton cruel dédain. Malgré ces douleurs encore inimaginées ne pouvant pas ne pas m’abandonner au nectar divin de tes lèvres d’airain.

Pourtant parisienne tu es et le béton ne t’a point tué Fille légitime du macadam des grisailles qui damnent Fleur des espaces inouïs Rouge des paysages tu t’épanouis.

II.

Muse douce muse camarade Mon port, mon attache, ma rade Avec toi mon âme s’évade Au sein de l’onde grenade. Calme donc mes mortifères bravades.

Ma belle jeune garde rouge Comme Léotard je suis amoureux de toi. Mon cœur et mon monde bouge au gré de tes hanches et de ton regard langoureux.

Rappelle-toi Cette soirée dorée où notre amour fleurit au vent des berges de notre Paris avec la lune compagne de nos rêveries du crépuscule jusqu’à l’aurore chérie Avant que l’implacable Temps ne l’eût tari Souviens toi


Le devoir de lutte en ton cœur semble renaître, A la morne réalité, révolutionnaire Et aux turpitudes tu retournes, guerrière. De notre amour camarade je me désespère.

Qu’elles me paraissent superficielles Ces tendres et futiles demoiselles Certes sensuelles mais usuelles Simples pulsions, aventures charnelles. Finalement je ne pouvais aimer qu’elle -je retombe dans les paradis artificiels.



Aimables pestilences démoniaques


« Si je me suis dévoué à certains corps, c’était pour oublier le poids du mien. » René Crevel

« Tout est affaire de décor Changer de lit changer de corps A quoi bon puisque c’est encore Moi qui moi-même me trahis Moi qui me traîne et m’éparpille Et mon ombre se déshabille Dans les bras semblables des filles Où j’ai cru trouver un pays »

De ces vers bouleversants d’Aragon la terrible prétention de ma jeunesse, voulant les sublimer les vide de leur substance avant de les parjurer -Je n’en fis qu’un triste sinistre parangon

Je poursuis des rêves chimériques et des ombres révolues. Ma vigueur s’essouffle vainement en ces fiévreuses apathies mon corps en un marasme sensuel laborieusement évolue l’emplissant d’une pesanteur des plus néfastes et décatie

Ne supportant d’avantage ressasser du passé les miasmes amères Fuyant la désertique sécheresse de ma muse peu amène je vogue de paradis artificiels en couches incertaines dans les bras du mauvais rhum et le goulot de créatures infectes.

Péniblement accroché à des lèvres délétères Mon âme des dégoûts sinistres déterre Moi qui -risible orgueil- croyait m’extirper des enfers je plonge dans de sombres remous mortifères


voilà qu’un flot saûmatre de prose, prose ignoble, prose perfide, m’envahit à l’instar de ce fiel de sensations abhorrées, nauséabondes rappelant à mon âme égarée sa triste condition et ses vils instincts humains, trop médiocres, définitivement coupée des hauteurs des sommets de l’éther des immensités stellaires, plongée dans un gouffre abyssale de vicissitudes perverses sans pareilles, je ne crois pas en la rédemption et voilà, voilà cette véritable prostitution de mes sens et mes pulsions et mon être me frappe me paralyse m’assassine, je suis perdu, perdu… et cependant cette calamitée innomée s’atténue, comme cristallisée dans une temporalité particulièrement ténue, dans la félicité nonpareille de l’ivresse, en une nymphose des sens, durant l’absence par trop éphémère de ma solitude voilà que je m’abandonne, m’abandonne, m’abandonne aux synesthésies de ce tourment semblable désormais à un tendre moment apaisant, entre le doux bruissement de mes lèvres frôlant le feu de ces seins pimentés et la fragrance si particulière de chevelures nacrées, irisées, rayons ensoleillés sur la nonchalance de flots roulants, ronds monts chatoyants


C’est aux lendemains terribles et horrifiques que l’ampleur de l’acte me revient véridique Au cours de nuits sans lunes sans astres sans feu j’ai éclipsé les peines de mon corps avec ceux qui ne me paraissaient non plus hideux mais désirables -viol de mes goûts, de mon encéphale lors d’errances vénales.

Un goût de boue dans ma bouche semble bouillir résultat de baisers envenimés et pourtant sincères, non réciproques : cette hypocrisie me ferait presque faillir mais déjà d’autres démons envahissent mon imaginaire Des yeux qui prennent l’allure de décadentes nécropoles et des étoffes vétustes ourlant leurs vénéneux appâts tel le suaire qui enveloppera mon certain trépas Vite ! un verre, vite, que j’inonde ces engeances folles

Repus de morbides jouissances à satiété arborant une fausse façade de gaieté J’irrigue et mon cœur et mon corps et le vide de mon esprit avec cette passion positivement insipide En ces sombres moments je brise la poésie, l’amour. J’exècre autant que je jouis. Cela tuméfie toujours d’avantage mon être -myriades de sentiments dans lesquelles je m’empêtre



ERREMENTS

les langueurs de l’alcool se mêlant à l’ivresse de la poésie. Là est toute ma richesse


I. Regrets tourmentés

C’est aux soirs de lassitude, de corps et d’âme, qu’elles viennent apaiser mes langueurs -compagnes d’un autre temps tant et tant attendues, peuplant l’infinie étendue de mon imaginaire jamais inféodé (ou à jamais, quelle différence), mornes immensités chaotiques en ces soirs de lassitude, pour calmer mes langueurs assassines. La commissure de leurs lèvres bruit sans un mot, rire chatoyant emplissant mon être d’une douce musique, aux variations anarchiques. Leur teint délicatement serein me rappelle la tendre perlée du matin.

Cependant d’autres soirs leur vision n’est plus, et rien ne freinent désormais une chute infinie dans les affres innommables de gouffres nostalgiques, horriblement fardés de lambeaux despotiques, pleins de noires turpitudes saturées d’inquiétudes, et je vais, seul, foulant les landes arides et craquelées de mon désespoir, seul, si ce n’est ce spleen traînant traîtreusement comme un hideux hurlement, rire occulte brisant la morne monotonie de l’imbécilité routinière, véritable fantôme d’un Eole aliéné, hantant ces terres incultes et désolées, semant lors de ses pérégrinations incessantes d’ignobles angoisses, resserrant à chacun de ses passages son emprise et confortant son pouvoir sur sa paroisse.

Mais. Au milieu de ce paysage terrible de grisailles damnées, de collines desséchées, d’arbres décharnés, au milieu de ce désert de scories immuables, de spectres stupides infâmes affables, au milieu de cet univers où le narcissisme amer, la bile rancunière, déployés en de fatales bannières ne sont pas des moindres, l’aube rouge semble poindre. Et

Mon cœur se glace devant ce brûlant soleil Qui n’est sans me rappeler tes lèvres vermeilles


II. Oubli

Je l’avais oubliée. Exclue fermement de mes pensées, exil irrémédiable Pourtant. suffit-il qu’elle surgisse, transcendant une foule mouvante, enivrée et euphorique -dès l’instant où je l’aperçue le monde alentour devenait flou, lointain, coupé de ma réalité, elle était devenue l’épicentre de mon univers, de l’univers- pour que je me trouvasse aveuglé, si ce n’est par ces yeux profonds qui m’inspirent, m’inspirèrent tant et tant et m’enseignèrent des sentiments qui me semblaient jusque lors inaccessibles ; par ces lèvres, sensuellement pulpeuses, m’attirant délicieusement -y goûter doit confiner à la plénitude la plus parfaite-, évocatrices d’une félicité sans nulle pareille ; ou par les courbures de ces hanches, et de cette gorge, d’une grâce divine, une apothéose de charmes et de douceurs, se mouvant au gré du vent de la musique, d’une langueur que nuls artifices n’eussent pu égaler. Pourtant je t’avais oubliée.


III. Regards

jamais je ne me déferai de ton regard, ô illustre anonyme, ô camarade inconnue Au front. toi, de noir vêtue, légèrement tendue, sûrement de l’appréhension au milieu de cette frénétique excitation, de cette ferveur partisane, malgré notre commune ardeur croisement de regards instant infinitésimaux J’ai tout vu. battons-nous luttons jusqu’au bout aimons-nous au milieu de la folie du monde, de la fureur des hommes, du bruit brûlant nos souffles rauques, des vapeurs nous assourdissant sans nuls équivoques, nous qui nous démenions au sein de fumées tyranniques -battons-nous ce regard, perçant mais tendre, clairvoyant mais trouble, jamais je ne l’omettrai ce regard, car j’y ai vu l’essence même de la poésie dans ce regard Et il n’aura de cesse de m’émouvoir



IV. Remords

Que n’ai-je eu l’occasion de faire ta connaissance plus avant, ma douce et tendre révolue. Ton souvenir hante mes insomnies, et les réminiscences de nos conversations au milieu des foules festives et de la pluie tourmentent nostalgiquement mon âme amère.

Qu’aimerais-je te parler encore une fois, ne serait-ce qu’une fois, pour te rendre compte avec autant de sincérité qu’il m’est possible des transports qui m’ont habité, qui m’habitent. Et que cet amour soit, pire qu’impossible, révolu, n’est pas une source de réconfort, à moi qui souhaiterais te partager mes sentiments les plus vifs, dans leur vérité nue, sans masque, sans artifices, pour peut-être te laisser une image moins sinistre.

Mais non, cela est impossible. Quoique parfois les méandres de la vie nous donnent cette ultime occasion, occasion que l’on oublie de saisir le moment venu par ailleurs, qui prétendrait lever l’interrogation sur la venue de cette heure salvatrice ? Je vis donc dans le rêve, le phantasme, l’attente.



V. Stellaire

J’aime à considérer qu’entre nous une sorte de tendre affection perdurera toujours. Je pense que nous éprouvions une forme de respect mutuel -teinté pour ma part d’une certaine admiration à ton égard. Je t’ai aimé, cela j’en suis persuadé, et je continue sûrement à le faire, quoique d’une manière différente, plus distante et plus éthérée, les sentiments subsistent. Ils ne me rendent ni amer, ni aigri, ni ne m’emplissent de remords, non, j’éprouve une douce mélancolie, une certaine nostalgie, une légère tristesse, agréables à mon cœur comme un paysage d’automne. Tu étais trop brillante. Tu brillais si fort qu’il t’était bien inutile de chercher une âme camarade, contrairement à moi, je le crains. Nul besoin pour toi de peupler ta solitude, ta présence seule illuminait les autres autour de toi, ce dont je suis bien incapable :il m’était par trop impossible de t’apporter ne serait-ce qu’un rayon de lumière, empêtré que je suis dans un marasme infécond et délétère. Et puis d’ailleurs, qu’en aurais-tu fait, de mon rayon de lumière ? Tu étais déjà bien assez brillante.





Elégie à une ombre révolue

Tu étais le phare dans ma nuit. Toi Muse multiple qui vogue chatoie Guidant mon branlant esprit dans l’errance Des méandres aliénés de démence. En ces temps meilleurs ta claire silhouette Egayait et l’obscur et mes yeux. Nette Dans l’hagard égarement harassant Dédale de ma vie abrutissant.

Tu étais mon fanal septentrional Mire inouïe sur une onde peu banale ; Bergère aux pieds sereins, bise éthérée, Salvatrice étoile portant mon navire, Défiant ce simoun que je dois gravir, Sentiers escarpés et pics acérés. Qu’advint-il de ton souvenir pâli ? Ombre, nostalgie et mélancolie.

Dénué de balise dans la foule Je boule je cours, je fuis et je roule Pauvre hère errant erratiquement. Mon amour je m’accroche éperdument Au chemin à ce phantasme à tes lèvres -Perditions, chaos, cauchemars et fièvres Désespoir atroce, sinistre hiver Dont je me fais le sordide trouvère.


Enzo Broucaret

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